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Quand anosmie rime avec oubli

Dernière mise à jour : 11 janv. 2021

C’est l’hiver, il fait froid et vous tombez malade ; un petit rhume, comme d’habitude.

Vous ne sentez plus rien et parlez du nez. C’est embêtant mais ça va passer. Un beau matin, les symptômes ont disparu mais vous ne sentez toujours rien. Alors, vous faites un petit test. Vous prenez votre parfum préféré, vous aspergez votre poignet, et vous humez. Aucune odeur ! Bizarre. L’inquiétude s’installe, et si cette perte d’odorat durait pour toujours ? Pour répondre à cette question, vous décidez de consulter un spécialiste.

Anosmie, une déficience sensorielle méconnue


L’anosmie est considérée comme la perte totale de l’odorat ; d’hyposmie quand la perte de ce sens est partielle. De naissance ou suite à une cause survenue plus tard (accident, AVC, rhume, polypes …), l’anosmie a diverses conséquences chez les personnes qui en souffrent. A ce jour, très peu de solutions ont été proposées que ce soient à visées éducative, préventive ou curative.


Les études récentes recensent qu’environ 20% de la population générale sont atteintes d’anosmie, mais il demeure toujours difficile de connaître le véritable pourcentage. Cette pathologie oubliée a pourtant bien des conséquences qui s’étendent autant sur les sphères psychologiques que sociales, professionnelles et sanitaires.


La médecine qualifie généralement la perte de l’odorat comme étant moins invalidante que d’autres pertes sensorielles, telle que la surdité par exemple, et n’apporte donc pas de grandes réponses pour les patients. Les conséquences sur la qualité de vie, la santé et les répercussions dans la vie quotidienne sont très souvent même banalisées. Alors pourquoi autant de conséquences pour si peu de reconnaissance ? Pour cela, l’équipe de la Chaire Anosmie : rendre visible l’invisible de Grenoble Ecole de Management mène l’enquête.

Les oubliés de la médecine


Lors d’une journée rencontre à Marseille organisée par l’association SOS-Anosmie, les personnes anosmiques présentes nous ont confié leur déception vis-à-vis du corps médical. Pour eux, le pire reste ce sentiment de rejet et de non-reconnaissance de leur handicap par la médecine. Une étude montre que 60% des patients rapportent n’avoir pas reçu peu ou pas de conseils médicaux sur leur maladie et ses conséquences ; 30% n’ont reçu aucune information sur le pronostique et 25% ont eu le sentiment que leurs problèmes n’ont pas correctement été prise en charge.


Les docteurs ne sont pas les seuls à être pointés du doigt. Bernard, président de l’unique association d’anosmique en France déclare “c’est horrible de devoir aller chez le psychologue et lui expliquer ce que c’est que l’anosmie. Après ça, l’alliance thérapeutique est rompue ».


Manque de préoccupation ou problèmes techniques ?


Suite à un entretien avec un professeur en ORL, celui-ci nous confiera que si le corps médical est si peu préoccupé par l’anosmie, cela ne démontre pas forcément d’une sous-estimation de l’anosmie mais plutôt de problèmes purement techniques. Alors que l’observation des oreilles a eu son otoscope, l’odorat n’a que très peu d’appareil médical existant. Alors comment traiter d’une maladie sans outil ? De plus, les troubles de l’odorat ne sont que rapidement vues en école de médecine. Ainsi, le professeur nous explique que « lorsque les médecins rencontrent des patients, ils ne savent pas vraiment que c’est un problème et n’ont pas non plus de solutions curatives à proposer. ». Le manque de communication par le corps médical sur l’anosmie traduit nettement un manque de connaissance sur le sujet.


Les demandes des patients qui arrivent sont souvent dues à une gêne, et le diagnostic consiste à demander si la personne sent ou non. Par la suite, les solutions sont dites de « confort » et dans certains cas rares, une opération peut redonner l’odorat. Un test diagnostique a été développé par le Docteur Philpott en Grande-Bretagne : le « sniff and stick » mais selon lui, cela n’est pas vraiment bien utilisé car cela vient avec un coût temporel et financier et surtout avec l’envie d’avoir envie. Et pourtant, ce simple test pourrait venir en aide à de nombreux enfants atteints d’anosmie congénitale, qui se sentent différents sans même savoir pourquoi.


Même si la médecine avoue largement que la perception de la perte de l’odorat ne représente pas une cause handicapante, le focus devrait malgré tout être renforcé sur les conséquences de l’anosmie et sur les informations à fournir aux patients lors des consultations. Commencer par reconnaître le poids de cette maladie pour les patients, puis proposer des prises en charge adéquates sembleraient être d’ores et déjà un bon début. De plus, il semblerait efficace de renforcer l’éducation des causes et des conséquences de l’anosmie aux étudiants en médecines, aux patients mais aussi à la population en général. Pour finir, dépister les enfants dès leur plus jeune âge réduirait bien des problèmes pour la suite. La reconnaissance de l’anosmie n’en est qu’à ses prémisses et chaque idée ne saurait être de trop là où tout est à construire.


Alors, dans un monde où les gens se veulent toujours plus performant, que ce soit au niveau des capacités mentales, physiques et sensorielles, pourquoi l’odorat est-il tant négligé? Le futur des anosmiques dépendrait-il donc de l’exigence des êtres humains à bénéficier de la totalité de leurs capacités sensorielles ?


Lucie Cormons





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