top of page

Quelles sont les conséquences de la perte de l'odorat?

Dernière mise à jour : 9 janv. 2021


Connaissez-vous l’anosmie ?

L’anosmie correspond à la perte totale de l’odorat et concerne 5% de la population. En considérant aussi la perte partielle de l’odorat, nommée hyposmie, la prévalence des troubles s’élève à 20% dans la population française selon le CNRS. Ces troubles sont donc largement rependus quoique peu documentés.


Méconnue, l’anosmie laisse la médecine bien souvent démunie. Dans la plupart des cas, les troubles de l’odorat restent intraitables et peu de solutions thérapeutiques sont proposées. Pourtant le handicap sensoriel olfactif n’est pas une partie de plaisir au quotidien. Favorisant les situations à risques telles que la consommation de nourriture avariée ou encore l’absence de détection d’une fuite de gaz, l’anosmie a des conséquences sur de nombreux domaines de la vie. Pour 40% des patients, l’anosmie s’accompagne d’une baisse du sentiment de bien-être, une baisse de l’humeur et de la satisfaction, et près d’un quart à un tiers des patients souffrent de dépression. Une recherche scientifique réalisée auprès de personnes anosmiques en France s’est intéressée aux conséquences de l’anosmie sur leur qualité de vie ainsi qu’aux représentations que ces personnes ont de leur trouble.



Quelle qualité de vie pour les personnes souffrant d’anosmie ?








La qualité de vie est un concept complexe, composé de quatre facteurs tels que la santé physique, l’état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son environnement (OMS, 1993). La qualité de vie renvoie non-seulement aux conditions de vie mais aussi à l’épanouissement, à la satisfaction, au bonheur et au bien-être de façon générale. La Chaire Anosmie : rendre visible l’invisible hébergée par Grenoble Ecole de Management a conduit des travaux de recherches portant sur les conséquences de

l'anosmie sur la population française. Ainsi, les travaux montrent que la qualité de vie des personnes dysosmiques se trouve largement affectée par les troubles olfactifs. En effet, que ce soit au niveau physique, psychologique, social ou environnemental, la qualité de vie des personnes dysosmiques se révèle largement inférieure aux valeurs de références de la population française établies par Baumann et ses collègues (2010). Lorsque les scores de qualité de vie sont comparés à un groupe contrôle de personnes qui ne sont pas anomiques, alors les résultats indiquent de manière significative que les anosmiques ont une moins bonne qualité de vie, et ce, dans les quatre domaines : santé physique, santé psychologique, relation sociale et qualité de l’environnement. Près d’un quart des personnes anosmiques jugent les répercussions de l’anosmie dans leurs relations avec les autres comme extrêmement gênantes. Entre insatisfaction du soutien apporté par l’entourage et sentiment d’incompréhension, un certain nombre de patients rapportent des difficultés dans les relations sociales voire intimes. À la question “ êtes-vous satisfait de votre vie sexuelle”, près de 46% rapportent ne pas être satisfaits à cause de leur anosmie.


Cependant, une grande variabilité est observée dans le vécu des troubles de l’odorat. Certaines personnes se sont adaptées à leur trouble alors que certains sont en grande souffrance psychologique et semble être en grande difficulté. Une question se pose alors : Pourquoi l’anosmie peut être source de grandes souffrances pour certains et l’être à échelle réduite pour d’autres ?


Différents facteurs peuvent être évoqués. Premièrement, le sexe induit de la variabilité. En effet, de façon générale, les hommes rapportent une meilleure qualité de vie que les femmes au niveau de la santé psychologique et de l’environnement. Deuxièmement, l’âge semble être associé avec une certaine variabilité dans la population dysosmique. Les personnes âgées de plus de 65 ans rapportent un niveau de qualité de vie plus proche des valeurs normatives de la population française correspondant à leur âge, ce qui n’est pas le cas, de façon surprenante, des adultes entre 35 et 55 ans qui présentent la perception d’un faible niveau de qualité de vie. D’autres facteurs sources de variation pourraient être cités, tels que la perte olfactive totale ou partielle, la cause des troubles ou encore la présence d’un soutien familial et social. Mais, ce n’est pas tout.

La perception de l’anosmie comme source de variation dans le vécu des patients ?

Si certains s’adaptent, d’autres ont plus de mal. Différentes raisons ont été évoquées mais l’une des hypothèses de la communauté scientifique pour expliquer ces variations dans le vécu pathologique général réside dans la façon dont les personnes perçoivent leur maladie. Les perceptions de la maladie sont des représentations de la maladie qui permettent de donner du sens à la pathologie, et qui vont influencer et guider les comportements destinés à gérer la pathologie et les réponses face aux conséquences et aux risques liés à la pathologie. Ces croyances concernent, entre autres, la durée de la maladie, la sévérité des conséquences de la maladie, et le contrôle que les personnes peuvent avoir sur leur maladie. En d’autres termes, cela revient à demander aux personnes anosmiques, pensez-vous que votre anosmie va durer longtemps? Considérez-vous que les conséquences de votre anosmie soient graves? N’y a-t-il rien que vous ne pouvez faire pour améliorer votre condition? Malheureusement, les réponses à ces questions sont souvent affirmatives. Les travaux de recherches actuelles montrent que les patients semblent avoir une faible perception de contrôle, c’est-à-dire la perception d’une faible efficacité des actions qu’ils peuvent entreprendre dans l’optique d’améliorer leur état, ainsi qu’une faible croyance selon laquelle les traitements sont efficaces pour améliorer leur condition.

Les perceptions de la maladie sont décisives dans le domaine de la santé. En effet, il a été montré que les perceptions de la maladie déterminent les stratégies d’adaptation à la pathologie. Plus que l’adaptation à la maladie, elles permettent de prédire l’évolution d’une pathologie, la rémission, ainsi que la souffrance émotionnelle.

Afin de mieux comprendre l’implication des perceptions de la maladie, imaginez-vous être atteint d’une pathologie qui, vous en êtes sûr, va durer longtemps, peut-être même toute votre vie, et vous trouvez que cette pathologie a de fortes répercussions dans votre vie. Cerise sur le gâteau, vous ne pouvez pas faire grand-chose pour améliorer votre état.

Il est normal que dans cette situation vous puissiez être amené à vous sentir déprimé ou désespéré.

L’exploration des croyances que les patients ont de leur anosmie permet de mieux comprendre l’impact de l’anosmie sur la qualité de vie et soulève les aspects bénéfiques qu’une prise en charge à la fois médicale et psychologique apporterait dans le contexte de la perte olfactive. Cependant, à ce jour, la condition des personnes dysosmiques étant relativement peu connue, aucune prise en charge n’est réalisée. Devant ce triste tableau, l’intérêt grandissant de la science pour cette maladie invisible représente une lueur d’espoir; l’espoir d’une meilleure prise en charge de ces personnes.






Magali Reynaud et Lucie Cormons



Bibliographie:



Bonfils, P., Faulcon, P., Tavernier, L., Bonfils, N. A., & Malinvaud, D. (2008). Accidents domestiques chez 57 patients ayant une perte sévère de l’odorat. La Presse Médicale, 37(5), 742–745. https://doi.org/10.1016/j.lpm.2007.09.028

Brämerson, A., Johansson, L., Ek, L., Nordin, S., & Bende, M. (2004). Prevalence of Olfactory Dysfunction: The Skövde Population-Based Study. The Laryngoscope, 114(4), 733–737.

Croy, I., Nordin, S., & Hummel, T. (2014). Olfactory disorders and quality of life—an updated review. Chemical Senses, 39(3), 185–194.

Haxel, B. R., Nisius, A., Fruth, K., Mann, W. J., & Muttray, A. (2012). Defizite der ärztlichen Beratung bei Riechstörungen. HNO, 60(5), 432–438. https://doi.org/10.1007/s00106-011-2448-z

Hummel, T., Sekinger, B., Wolf, S. R., Pauli, E., & Kobal, G. (1997). “Sniffin” Sticks’: Olfactory Performance Assessed by the Combined Testing of Odour Identification, Odor Discrimination and Olfactory Threshold. Chemical Senses, 22(1), 39–52. https://doi.org/10.1093/chemse/22.1.39

Keller, A., & Malaspina, D. (2013). Hidden consequences of olfactory dysfunction: a patient report series. BMC Ear, Nose and Throat Disorders, 13(1). https://doi.org/10.1186/1472-6815-13-8

Nguyen, D. T., Rumeau, C., Gallet, P., & Jankowski, R. (2016). Olfactory exploration: State of the art. European Annals of Otorhinolaryngology, Head and Neck Diseases, 133(2), 113–118. https://doi.org/10.1016/j.anorl.2015.08.038

Kommentare


Post: Blog2 Post
bottom of page